Cathédrale St Cyr Ste Julitte

Cathédrale St Cyr Ste Julitte

Magnifique cathédrale en constante rénovation. Possibilité certains jours de monter tout en haut pour une vue grandiose. Belle réverbération du soleil sur les vitraux en accédant par la rue du Doyenne.

Implantation sur un lieu religieux païen

La butte de Nevers a été très tôt un site religieux. Les vestiges d’un temple gallo-romain dédié à Janus ont été découverts vers 1904, lors de fouilles archéologiques au pied de l’édifice.

Le diocèse est établi à Nevers au VIe siècle avec la construction d’un premier édifice dédié à saint Gervais et saint Protais. L’édifice a été orienté le chœur à l’ouest. Cette disposition particulière peut s’expliquer par la nécessité primordiale de s’implanter sur le site païen, sans pour autant tourner le dos à la ville. Or à cette période, l’emprise de la ville reste limitée et l’orientation de l’édifice aurait mis l’entrée à l’opposé du centre politique, côté des remparts. Autre explication: les premiers chrétiens du IVe siècle construisaient leurs églises sur le modèle des basiliques civiles romaines : un rectangle, avec à l’ouest une partie semi-circulaire, voûtée, où siégeait, face à l’est, celui qui présidait l’assemblée.

La légende du songe de Charlemagne

À la fin du VIIIe siècle, l’édifice est en très mauvais état.

La légende raconte que Charlemagne aurait rêvé être poursuivi en forêt par un sanglier furieux et qu’en implorant l’aide céleste, un enfant à demi-nu aurait promis de le sauver s’il lui donnait un vêtement. Le monarque acceptant, l’enfant s’en serait allé, à califourchon sur le sanglier.

Bas-relief polychrome de la « Légende du sanglier »

À son réveil, Charlemagne aurait convoqué ses conseillers et leur aurait raconté ce rêve. Parmi eux, Jérôme, évêque de Nevers, expliqua au roi que l’enfant qu’il avait vu était saint Cyr, que le voile demandé représentait la restitution des biens confisqués de l’Église ainsi que la restauration de la cathédrale qui, dès lors, est consacrée à saint Cyr et à sa mère sainte Julitte. Charlemagne, touché, versa argent et biens au diocèse de Nevers. L’édifice fut reconstruit.

Les reliques de saint Cyr et de sa mère sainte Julitte furent amenées, durant cette période, en deux fois. La première depuis l’abbaye Saint-Savin-sur-Gartempe où plusieurs communautés religieuses placèrent leur trésor à l’abri des invasions. Un évêque de Nevers, peut-être Heriman (841-858) aurait obtenu une portion de saint Cyr. La seconde eut lieu sous le règne du roi Raoul (923-36), quand les corps de saint Cyr et de sa mère saint Julitte furent amenés depuis l’église Saint-Amâtre d’Auxerre où saint Amator les avait déposés après son retour d’Antioche avant 418. Lors de la seconde translation des reliques du saint dans le premier tiers du Xe siècle, des miracles eurent lieu à Nevers, sans que l’on en connaisse le détail.

Cet épisode est relaté dans la cathédrale sur le dernier chapiteau de la nef, côté sud, et sur le pignon du chevet roman, reconstruit par l’architecte Victor Ruprich-Robert à la fin du XIXe siècle.

Aux XIIIe et XIVe siècles

Au début du XIIIe siècle, le groupe cathédral se présente sous la forme d’un narthex à deux travées voûtées, donnant au nord sur un baptistère polylobé, dont la fondation remonterait au VIe siècle et au sud sur la chapelle épiscopale Saint-Jean construite en bel appareil de pierre. L’église cathédrale se compose d’une nef probablement charpentée, d’un transept de même et d’un chœur composé d’une crypte semi-enterrée et d’une tribune haute, disposition héritée des édifices de la renaissance carolingienne (ex : l’abbaye de Saint-Riquier, dans la Somme). Deux tours flanquent les façades orientales du transept, au nord et au sud.

Vue intérieure de la cathédrale Saint-Cyr-et-Sainte-Julitte

Après un incendie en 1211 qui détruisit de larges portions de la cathédrale, L’évêque Guillaume de Saint-Lazare la reconstruisit dans le style « nouveau » gothique. La cité de Nevers s’est développée, son enceinte s’est agrandie et l’édifice peut désormais être envisagé orienté (chœur vers l’est). La construction nouvelle présente une élévation à trois étages : grandes arcades, triforium aveugle et baies hautes. Une des spécificités de cette architecture réside dans la présence de statuettes adossées aux colonnettes des baies hautes et du triforium représentant les neversois de l’époque dans la diversité de leur condition (gentilshommes, paysans, ecclésiastiques…).

Le chœur et le transept roman, moins atteints par l’incendie ont été conservés. Durant les travaux de reconstruction, ils présentaient l’avantage certain de pouvoir poursuivre l’exercice du culte. Une fois les travaux terminées, il aura certainement manqué une volonté ferme ou des crédits conséquents pour édifier une façade appropriée.

La présence d’un transept gothique à l’est, en plus du transept roman toujours existant, n’est pas réellement prouvée. L’édifice actuel comporte de nombreux vestiges notamment sculptés au nord et au sud, mais rien ne permet d’affirmer que ce transept ait été complètement terminé avant la reconstruction du chœur gothique au XIVe siècle après de nouveaux incendies en 1228 et 1308. En effet, un nouveau chœur est édifié dans le style gothique rayonnant mais sans transept. Les remplages des baies sont plus élaborés, et le triforium désormais ajouré inonde l’édifice de lumière. Si l’on regarde en plan la cathédrale, on remarque que le chœur gothique ne respecte pas l’axe général de l’édifice. Cette particularité a fait l’objet de plusieurs hypothèses tant d’ordre mystique qu’architecturales ou géologiques sans qu’une explication claire ne se distingue.

La reconstruction de la cathédrale, au XIVe siècle après l’incendie de 1308 a été rapide puisqu’en 1331, Pierre du Marais, patriarche de Jérusalem, consacra l’édifice.

La construction d’une tour sur le flanc sud de la nef commença dès le début du XIVe siècle. Le plan laisse clairement apparaitre qu’une autre tour devait être érigée pour le flanc nord, en remaniant les restes d’une chapelle. La tour est aussi le signe de la préparation d’une façade occidentale qui ne sera jamais construite.

Du XVe au XVIIIe siècles

La chapelle de l’Immaculée Conception, XVe siècle (son décor actuel date de 1876).

Au XVe siècle, des chapelles rayonnantes sont édifiées dans le chœur gothique. La chapelle de l’Immaculée Conception date du XVe siècle et atteste que cette croyance était largement répandue en Nivernais bien avant que l’Église catholique n’en fasse un dogme en 1854. Sa décoration actuelle date de 1876.

De nouvelles chapelles sont également ajoutées le long de la nef au XVIe siècle, comme la belle chapelle des Fontenay datée de 1550. Elles sont de style gothique flamboyant. Le mobilier s’enrichit d’un orgue (disparu hormis quelques fragments de buffet), d’un beau jacquemart à automates et d’un décor de chœur : des stalles et un maître-autel en pierre et en albâtre qui est réalisé vers 1580 par un artiste flamand : Jean de Borset.

À cette même période a également repris le chantier de reconstruction de la tour Sud. Partiellement rhabillée de pierre de taille en partie basse au XIVe siècle, les travaux sont relancés sous l’épiscopat de Jean Bohier et terminés en 1528 sous celui de Jean d’Albret. La tour prend, alors, le nom de « Tour Bohier ». La tour Nord, rabaissée et simplement couverte d’un pan de tuile canal se fond, aujourd’hui, dans la silhouette de l’édifice. Elle renferme toutefois un des plus vieux escaliers de la cathédrale en « vis de Saint Gilles » (par référence à Saint-Gilles du Gard).

Une chapelle couverte d’une voûte lambrissée avec des entraits à engoulants est édifiée dans l’angle Sud-Ouest du chœur roman. Cette chapelle, utilisée par le chapitre et contigu aux bâtiments épiscopaux, servira au XIXe siècle de salle de catéchisme avant d’être démolie au début du XXe siècle dans cette mode hygiéniste qui prescrira le percement de l’actuelle rue de l’Abbé Boutillier.

Le XVIIe siècle ne semble pas avoir marqué le bâtiment de modifications notables. De nombreux vestiges de clôture en ferronnerie et des éléments sculptés de tombeaux datent néanmoins de cette période.

Période faste avant la Révolution

Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, l’évêque Jean-Antoine Tinseau lance une importante campagne de restauration : l’édifice couvert en tuile plate de bourgogne est recouvert en noble ardoise. La charpente est sans doute également refaite à cette époque. Un campanile en arcature de plomb et bulbe d’ardoise, orné de feuillages et de rayons en plomb doré est rajouté sur le toit de la nef, raccordé au jacquemart du chœur.

Un nouveau dallage est mis en place dans le chœur alliant carreaux en calcaire blanc et bouchons en calcaire noir. Un très bel ensemble de boiseries de chœur est réalisé par le sculpteur dijonnais Marlet et le menuisier Bochard en 1770. Enfin une belle grille de chœur due au serrurier neversois Claude Denis est posée à la même période. Pour ce faire, le jubé est démoli. Une série de pierres polychromes d’une remarquable qualité et datée du XIVe siècle proviendrait de la balustrade du jubé détruit. Les largesses de l’évêque, qui en plus de ces travaux rénove la chapelle d’axe (dont la grille de chœur clos désormais une propriété privée rue des Chauvelles, à Nevers) et reconstruit le palais épiscopal dans le goût Louis XV, encourage les membres du chapitre à l’imiter, notamment une des chapelles du chœur est redécorée par le chanoine Gaspard Leblanc, dont la grille et le tableau de l’Adoration des mages sont les vestiges.

Le XIXe siècle ou l’apprentissage de la Restauration

La Révolution a pillé la cathédrale. Les tombeaux situés jusque-là dans la nef ont été démolis, les portails et certaines statues ont été livrés à la destruction iconographique ou exilés dans des communes voisines (comme la statue en pierre de saint Christophe, qui avait donné son nom au portail Nord de la cathédrale et qui bien que désormais conservée dans l’église de Marzy, à laissé en place son socle sculpté orné d’onde claire et de poissons sautillants, faisant aujourd’hui échos à la coquille de la statue en place de saint Jacques. Les saints monumentaux de la tour ont eu plus de chance.

Les décennies suivantes ont été le champ de travaux importants et parfois discutables : démolition d’une partie du mur de chœur, tentatives de restitution des couvertures en terrasse des bas-côtés par l’architecte Robelin, rendues désastreuses par l’emploi du ciment en lieu et place du plomb trop cher aux yeux de la Commission, débadigeonnage des murs et des voûtes faisant disparaître en même temps que les badigeons de propreté récents la majorité des décors peints et la polychromie d’origine — dont seuls les plus robustes et de trop rares exemples et fantômes subsistent —, démantèlement du mobilier du chœur (une partie des stalles a été envoyée à Montauban à la suite d’un projet de reconstruction d’un ensemble de stalle néo-gothique qui faute de crédit, ne verra jamais le jour).

Le groupe de la mise au tombeau, XVe siècle.

L’autel historique de Jean de Borset est démoli et remplacé par le ciborium de Jean Gautherin, grand dais de pierre richement sculpté de style gothique, après le vœu émis par les neversois si la ville était protégée de l’invasion allemande lors de la guerre de 1870. La grille de Claude Denis après avoir été déposée et stockée pendant 40 ans est installée à l’entrée du palais épiscopal vers 1860 par l’évêque Forcade. Au cours de ce siècle on rapatrie à la cathédrale des objets et ornements provenant d’autres édifices de Nevers détruits, notamment le groupe sculpté de la Mise au tombeau, en pierre et datant de la fin du XVe siècle, dont la très riche polychromie a été refaite au XIXe siècle, et dont les sept personnages sont représentés grandeur nature. Ce groupe est présenté depuis 1830 dans la crypte du chœur roman. Il est  Classé MH (1862) (immeuble par destination).

En 1868, la cathédrale est érigée en basilique mineure par Pie IX sur la demande de Mgr Forcade.

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, la petite chapelle flanquée sur le côté nord du transept roman est redécorée de décors au pochoir et de peintures murales illustrant la nouvelle dédicace à l’Immaculée Conception. Cette décoration sera ensuite complétée par deux vitraux représentant la « prise du voile de Bernadette Soubirous » et « les apparitions à la grotte de Massabiele », en référence à la seconde partie de la vie que la sainte passa au couvent des sœurs de la Charité, à Nevers, dans lequel une chasse expose depuis 1935 son corps miraculeusement conservé. Les vitraux endommagés en 1944 ont été refait à l’identique dans les années 1980.

Début du XXe siècle

Les premiers feux du XXe siècle ont été consacrés à la suite des travaux de restauration : réfection complète des balustrades des chéneaux (avec parfois une modification sensible des décors en place), remplacement des pinacles et reprise des arcs boutants. Ces interventions sont aisées à lire sur les façades de l’édifice de par l’emploi de la pierre de Garchy, plus dure, trop dure, et finalement plus blanche que la pierre de Nevers initiale.

La rue de l’Abbé Boutillier est percée en 1904, au sud de la cathédrale, détruisant l’ancien réfectoire et la salle capitulaire médiévale, la moitié d’un édifice du XVIIIe siècle et la chapelle du XVIe siècle côté du chevet roman. Une cour anglaise est creusée au pied du chœur roman afin de percer de larges baies à même d’éclairer la crypte. C’est lors de cette fouille que les vestiges du temple de Janus sont exhumés. Une base de colonne est toujours visible, sous une plaque, dans la cour anglaise.

Le chœur gothique est enrichi d’une somptueuse mosaïque de marbre réalisée par la maison Favret à Nevers et illustrant sur un schéma rayonnant autour du cyborium de Gautherin les douze signes du zodiaque. La couverture du campanile est refaite vers 1910, en supprimant hélas une partie des ornements en plomb (rayons de soleil). Le jacquemart est restauré en 1913 par la maison Henry-Lepaute et remonté sur une gaine en chêne neuve en remplacement de la travée mur de chœur sur laquelle il reposait, détruite au milieu du XIXe siècle dans le cadre du projet de renouvellement des stalles. Le dallage en pierre est remplacé dans presque tout l’édifice.

Seconde Guerre mondiale

Dans la nuit du 15 au 16 juillet 1944, des bombes alliées frappent accidentellement le centre ancien de Nevers au lieu des dépôts ferroviaires initialement visés. Deux bombes tombent sur le chœur gothique. Les vitraux sont soufflés — selon Maître Lechat dans son ouvrage Nevers pas à pas, des débris auraient été projetés jusqu’à la place Carnot, située à deux cents mètres des impacts —, les voûtes du chœur s’effondrent, le mobilier en dessous réduit en poussière. Le sous-sol est remué : une quinzaine de sépultures d’évêques sont ainsi abîmées. Les stalles sont violemment touchées et l’orgue de Cavaillé-Coll, dont le buffet sculpté était terminé depuis à peine 15 ans est détruit.

Les travaux de reconstruction se déroulent de 1946 à 1966 pour le gros-œuvre. L’édifice a été reconstruit à l’identique. Des fouilles archéologiques menées dans le chœur ont permis de mettre au jour les vestiges du baptistère pré-roman, de la chapelle épiscopale Saint-Jean, du narthex et du portail d’entrée de la cathédrale romane, où se distinguent encore les premières dalles de pierre qui n’ont plus été foulées depuis près de 800 ans. La restauration du mobilier et la création des nouveaux vitraux s’est étalée jusqu’à nos jours.

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